Consolidated Liberator B-24 H
 
 
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Réaliser des modèles réduits dans un souci d'authenticité, c'est bien. C'est encore mieux lorsque ce souci rejoint des événements attachés à l'histoire locale. C'est le cas pour cette maquette du fabricant Airfix, à l'échelle 1/72 représentant, à l'origine, un bombardier quadrimoteur B-24 J Liberator.

Le 28 mai 1944, par un bel après midi ensoleillé, un B-24 H Liberator du 486ème bomber group, 832ème bomber squadron (8ème Air Force) s'écrasait en lisière d'une petite ville Belge dans laquelle je réside depuis toujours. L'appareil avait été touché par la Flak au-dessus d'une zone industrielle allemande, du côté de Leipzig. Les bombes furent larguées au petit bonheur la chance (procédure normale pour un avion touché). Un des quatre moteurs avait été immédiatement stoppé (début d'incendie) et un autre avait eu une canalisation d'alimentation éventrée.

Le B-24 Liberator n'avait pas la réputation de robustesse du B-17 Flying Fortress qui, lui, savait encaisser les coups et rejoindre sa base dans un état d'épave pas possible. Par contre, le B-24 Liberator avait à son aventage un bien plus grand rayon d'action (ou une charge militaire plus importante).

Le poids nominal de l'avion, trop important pour les trois moteurs encore valides (dont un s'arrêta rapidement, faute de carburant), ne lui permettait pas de revenir à sa base. L'un après l'autre, les moteurs allaient lâcher. C'était inéluctable. Distancé par la formation, perdant de l'altitude, l'équipage dut se résoudre à abandonner l'appareil sur le chemin de retour, bien avant de franchir la Manche, lors de son passage au dessus de la Belgique occupée.

La dernière personne à évacuer l'avion en détresse fut son commandant de bord, le sous-lieutenant Alfred Sanders. Continuant seul sa course à la dérive, l'avion finit rapidement au sol. Cinquante ans plus tard, un chroniqueur local s'intéressa à l'histoire dramatique (heureusement sans victime directe) de ce bombardier tombé derrière un bois, à l'orée campagnarde d'une petite commune belge.

Avec l'intention de symboliser cet épisode par la réalisation d'une maquette, je m'étais mis en relation avec le biographe en question qui possédait les informations pouvant m'être utiles. Cerise sur le gâteau, il était en relation avec l'ancien commandant de bord du B-24 en question qui résidait alors aux USA.

Plusieurs correspondances avec Mr A.Sanders me donnèrent alors nombre de renseignements complémentaires afin de réaliser la maquette du quadrimoteur qu'il pilota jusqu'au 28 mai 1944. Parmi ceux-ci, il m'informait de l'existence du blason (The spirit of L.S.U.) qui avait été peint sur le nez de l'appareil (reproduit à la main par votre serviteur d'après un croquis établi par le pilote lui-même).

Pour réaliser cette maquette, j'avais choisi l'antique modèle proposé par le fabricant Airfix. Son B-24 J à l'échelle 1/72 était de bonne facture mais sa réalisation datait notablement. De nombreuses choses furent retravaillées.
Toutes les surfaces de la maquette, riveteuses à souhait, furent minutieusement poncées, les tourelles complètement aménagées, les postes latéraux détaillés etc... Le nez du modèle fut quelque peu modifié par l'apport de bulles latérales, typiques à la version H. Des plaques de blindage protégeant le poste de pilotage furent ajoutées. Les volets des moteurs furent gravés en creux. Les cocardes et marques d'identification furent prélevées d'une planche à décals. Les identifiants du groupe (un zéro noir sur fond carré blanc) furent peints à la main.

Au printemps 1944, les B-24 étaient encore entièrement camoufflés en olive drab (vert olive) pour les surfaces supérieures et en neutral grey (gris-bleu foncé) pour le reste. Ce camoufflage était appliqué en usine. Le tout fut mis en situation sur un diorama représentant les derniers préparatifs avant le départ. Vous avez le résultat devant les yeux. Je vous sens bluffés par la véracité de la reconstitution. Me trompai-je ?...
Et pourtant, j'ai tout faux.

En effet: longtemps après la réalisation de la maquette et lors d'une rencontre avec Mr A.Sanders, venu en Europe à l'occasion de diverses commémorations, voilà que lui revient en mémoire le fait qu'au moment des préparatifs de ce qui allait être sa dernière mission de guerre, le check-up au sol découvrait une tourelle dorsale refusant de pivoter (moteur électrique hors service). Impossible de réparer de suite. Pas question de décoller avec une machine dans cet état. L'équipage fut donc transféré à bord d'un appareil de la 833ème escadrille.

A chaque escadrille était alloué 15 quadrimoteurs et 4 escadrilles formaient un groupe (le 486ème groupe pouvait donc aligner 50 bombardiers, B-24 et B-17 confondus). Lors d'une mission d'envergure, chaque escadrille prévoyait 13 appareils au décollage, le solde étant tenu en réserve.

C'est ainsi rééquipé que A. Sanders et son équipage furent envoyés en mission de guerre au petit matin d'un jour du mois de mai 1944. Conclusion logique: l'appareil qui tomba le 28 mai 1944 aux abords de ma ville n'était pas la machine immatriculée K-3R (3R étant l'indicatif de la 832ème escadrille) et baptisée "The spirit of L.S.U." ! Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte, mais des renversements de situation de cette ampleur là (coup du sort ou l'histoire qui se fait rattraper par la réalité), on ne voit cela que dans les grands films d'aventure.

Que devint le Liberator K-3R "The spirit of L.S.U." après réparation ? Nul ne le sait.
Le NCIS est sur l'affaire.

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